La décision de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) d’autoriser Amadou Damaro Camara à recevoir des soins dans une structure hospitalière de Conakry a été accueillie comme un soulagement par ses proches et sa famille politique. Mais au-delà de cette autorisation, une polémique enfle : l’État doit-il prendre en charge les soins de l’ancien président de l’Assemblée nationale ?
Un feu vert sous conditions
Dans les couloirs feutrés du tribunal, la nouvelle a rapidement circulé : Amadou Damaro Camara, incarcéré depuis avril 2022 dans le cadre d’une enquête pour des faits présumés de détournement de fonds publics, pourra bénéficier de soins médicaux. Son état de santé, jugé préoccupant par ses proches, a poussé ses avocats à multiplier les demandes auprès de la CRIEF. Après plusieurs tentatives, la justice a finalement donné son accord.
Cependant, la satisfaction a été de courte durée. L’avocat de l’État, tout en ne s’opposant pas totalement à cette mesure, a exprimé une position tranchée : l’État ne devrait pas assumer les frais médicaux de l’ancien dignitaire du régime Alpha Condé.
Une déclaration qui choque
Cette prise de position a immédiatement suscité l’indignation au sein du RPG Arc-en-ciel. Marc Yombouno, membre influent du bureau politique du parti, ne cache pas son incompréhension face à cette déclaration.
« Mon plus grand regret, c’est quand j’ai entendu l’avocat de l’État affirmer que l’État ne doit pas prendre en charge les soins de Damaro. C’est incompréhensible. Quand vous enfermez quelqu’un et qu’il tombe malade, vous devez assurer sa prise en charge. Sinon, libérez-le ! », s’est-il insurgé lors d’un entretien avec notre rédaction.
Pour lui, il en va de la responsabilité morale et humanitaire de la justice. « Un prisonnier reste un être humain. On ne peut pas maintenir quelqu’un de plus de 70 ans derrière les barreaux et refuser ensuite de le soigner. Quel humanisme voulons-nous prôner dans notre système judiciaire ? » s’interroge-t-il avec amertume.
Une justice sous pression
L’affaire Amadou Damaro Camara met une nouvelle fois en lumière les tensions entre l’exécutif et l’opposition, mais aussi les débats sur les conditions de détention des prisonniers politiques en Guinée. Pour certains, refuser à l’État de payer les soins d’un détenu revient à remettre en cause le principe même de la dignité humaine.
Dans un pays où l’accès aux soins reste un défi pour de nombreux citoyens, cette affaire soulève également une question plus large : l’État doit-il garantir l’accès aux soins pour tous, y compris pour ceux qu’il poursuit en justice ? Une question qui, à coup sûr, continuera d’alimenter le débat dans les semaines à venir.
Aziz Camara