A la barre du Tribunal criminel ce lundi 29 Janvier 2024, le Pr Namory Keïta, gynécologue-obstétricien, a relaté le cas d’un jeune fille de 20 ans, violée sauvagement par des militaires le 28 septembre 2009. Une histoire terrible qui montre le niveau de barbarie atteint ce jour-là…
« J’avais confié à trois (3) mes assistants ce travail là (Ndlr : enregistrer les femmes victimes de violences sexuelles) de s’occuper de ce dossier puisque les femmes ont continué à venir bien après. Il y a d’ailleurs eu une histoire qui me hante, une histoire assez particulière d’une jeune femme de 20 ans qui avait passé le bac, qui devait aller à l’université, qui a été violée. Elle a eu la triple sanctions : elle a été violée, elle a été contaminée par le VIH, elle est devenue enceinte », a expliqué le médecin dans une salle d’audience choquée (Ndlr : le procureur s’est exclamé « mon Dieu »).
« Elle était hospitalisée en psychiatrie pour des problèmes psychiatriques qu’elle avait. Et ça c’est une histoire qui m’a marqué. Elle faisait partie des jeunes puisqu’il y avait aussi des jeunes filles de 17 ans qui avait été violées à l’époque. Elle a vraiment eu la marque de la violence humaine. Je l’ai perdue de vue, puisqu’on a essayé de s’intéresser pour savoir ce qu’elle était devenue parce qu’elle avait la possibilité de faire une interruption de grossesse au vu de la situation. Mais on ne l’a plus jamais revue », a-t-il poursuivi.
« Elle a disparu, c’est bien dommage : elle était bien saine et vierge parce qu’elle a perdu sa virginité ce jour là. Les examens ont constaté que c’était une défloraison très récente (…). Je pense qu’elle se cachait, elle ne voulait pas venir. C’est au mois d’Octobre (2009) qu’elle est venu pour dire qu’elle fait partie (des femmes violées). Elle n’est pas venue d’elle-même, elle a été accompagnée par deux dames », a précisé le Pr Keïta.
« Il est très difficile de parler avec une femme violée. Elle a un refoulement et il y a des moments où elle a une amnésie parce qu’elle n’a pas envie de se souvenir de ce qui lui est arrivé », a-t-il fait remarquer.
Le 28 septembre 2009, des militaires gendarmes et policiers sont accusés d’avoir commis des meurtres exactions et viols au grand stade de Dixinn. Le bilan officiel parle d’au moins 157 personnes tuées (en majorité par balles) et plus d’une centaine de femmes et jeunes filles violées.
Alpha Amadou Diallo