Les témoignages des victimes, Alpha Oumar Baldé, arrêté le 28 septembre 2009 puis séquestré et torturé au camp Alpha Yaya Diallo, et d’Ousmane Diallo, tous les deux témoins oculaires des exactions commises au stade par des militaires, des gendarmes, des policiers et des groupes de civils contre des manifestants, jette une lumière terrible sur certains détails des violences commises le jour du massacre.
Baldé a expliqué comment il a été violemment molesté à coups de crosse et de bâton après son arrestation au grand stade de Dixinn, embarqué dans un camion pour être conduit manu militari au camp Alpha Yaya Diallo, « dans les locaux des services anti-drogue » du colonel Moussa Tiegboro Camara.
Avec force et détails, il a affirmé que l’un des militaires qui l’ont conduit au camp a déclaré à leur arrivée « Monsieur le président voici les ennemis du pouvoir ! ». Il a aussi relaté comment il a voulu lever la tête pour chercher à constater la présence effective du capitaine Dadis, quand il a reçu un violent coup de crosse à l’œil, ce qui lui aurait brouillé la vue.
« Nous avons fait 4 jours en cellule dans les bureaux de Tiegboro. Alors que nous étions détenus, les gendarmes nous battaient violemment tous les jours pendant 3 jours. C’est quand ceux qui nous battaient se fatiguaient qu’ils nous laissaient tranquilles », a-t-il témoigné.
Baldé a relaté plusieurs scènes de tortures physiques et psychologiques, sans manger ni boire, pendant 3 jours.
Il a également expliqué comment ses parents ont dû négocier en payant une somme pour sa libération.
L’autre victime, Ousmane Diallo, a attesté avoir vu un bus à bord duquel des individus en tenue civil portant des armes sous leurs jaquettes, entrant au stade.
« J’ai vu de mes yeux un de ces civils poignarder devant moi un manifestant (…) La manière dont cela s’est déroulé, je pense pas que celui-ci (Ndlr : la personne poignardée) soit vivant », a dit Diallo qui a également signalé la disparition de son neveu Mamadou Minka Diallo.
Cette victime a également confirmé les tirs opérés directement sur la foule. « Même les singes qu’on chasse dans la brousse ne subissent pas un tel sort » a déclaré Diallo.
Diallo, également blessé en sortant du stade (Ndlr : suite à un coup reçu qui l’a fait chuter dans un canniveau) a également expliqué avoir eu la vie sauve en sautant vers le mur de la Pharmacie centrale de Guinée pour se précipiter avec d’autres manifestants vers un portillon pour s’enfuir.
« Quand nous fuyons vers la Cimenterie, nous avons vu un hélicoptère au-dessus de nous. Nous nous sommes cachés le temps de le laisser partir. (…) Personnellement, ce sont des gens en tenue de policiers qui m’ont frappé au stade », a révélé le témoin.
De nombreuses dépositions dont celle d’Aboubacar Diakité dit « Toumba », l’ex aide de camp du capitaine Moussa Dadis Camara attestent la présence de jeunes recrues en tenues civiles, en provenance du camp Kaleah.
Ces recrues auraient, selon les témoins, été en tête des exactions, des meurtres et des viols commis sur les manifestants ce jour-là.
Au moins 157 personnes auraient été massacrées au stade et plus d’une centaine de femmes violées, selon les chiffres officiels.
Des témoins, dont l’ex premier ministre François Louceny Fall, également blessé par des militaires le 28 septembre, soutiennent que ces chiffres ont été minimisés par les autorités d’alors, avec à leur tête le capitaine Dadis, pour étouffer l’horreur.
Amadou Tidiane Diallo