Le Mali et le Burkina Faso ont connu chacun deux coups d’Etat militaires; la Guinée, un et voilà le Niger qui renoue avec les pouvoirs militaires après une parenthèse de 12 ans du régime issu des urnes.
D’un côté, on peut le dire ainsi lorsqu’on prend en considération l’alternance réussie par le prédécesseur du Président Bazoum, Mahamadou Issoufou qui lui a passé le relai après avoir exercé ses deux mandats à la tête du pays. A y ajouter, la bonne collaboration entre l’armée du pays et les forces occidentales (la France et les Etats-Unis) dans la lutte contre le terrorisme au niveau de la région du Sahel. Bazoum était considéré comme un bon disciple par l’Occident et ses alliés dans le continent.
D’abord, si l’on examine bien la manière dont Monsieur Bazoum a été élu, il y a anguille sous roche. C’est le président Issoufou, son mentor, qui l’a imposé comme candidat de son parti, PNDS tarayya (Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme), et lui a apporté son soutien. Ce qui n’était pas du goût de tous ses partisans et aussi d’une frange importante de l’opinion. Certains l’avaient traité d’étranger. Déjà, une tentative de coup d’Etat contre Mahamadou Issoufou a été déjouée à la veille de la prestation de serment du président Bazoum. Et, on se rappelle les manœuvres politiciennes utilisées à l’époque pour écarter l’influent Hama Amadou du processus électoral.
Ensuite, sa gouvernance politique et économique n’a pas été exempte des critiques à cause de la corruption et de la restriction des libertés publiques dont il a fait preuve. Enfin c’est un constat avéré: la sous-région devient un épicentre des luttes inter-puissances. La Russie est en train de s’implanter dans tous ces pays, faisant partie du pré carré de la France.
C’est une situation délicate pour les Occidentaux. Les États-Unis et la France disposent d’importantes bases militaires au Niger. La base de surveillance équipées de drones que disposent les Américains joue un rôle très important en matière de surveillance dans l’espace Sahel voire le Sahara. Tandis que la France, après avoir mis fin à Barkhane au Mali a redéployé ses contingents au Niger. En plus, sans l’uranium nigérien, la France sera fortement privée de ressources vitales pour maintenir sa puissance nucléaire.
Pour continuer la lutte contre le terrorisme au Sahel, Français et Américains ont besoin d’un point stratégique. Le Niger jouait un rôle d’allier idéal. Non seulement, ils (Français et Américains) sont obligés de rester dans la région, vu la montée en puissance des jihadistes menaçant la sécurité de cette partie du monde, mais aussi à cause de l’importance des enjeux dans la région. Je les vois mal laisser le champ libre à « leurs adversaires » russes et chinois.
De son côté, la Russie ne cache plus son intention de supplanter l’Occident en Afrique. Elle a les armes sophistiquées. Elle compte intensifier son marché d’armes avec l’Afrique, -selon les dernières statistiques les 50% des armes du continent proviennent de la Russie. Actuellement, le maillon faible des armées des pays du Sahel, c’est le manque de migs. Et, il est très facile d’en trouver en Russie tandis que les Occidentaux rechignent de livrer ce type d’armement à nos pays. Aussi, il y a le Wagner déjà présent au Mali qui peut bien se retrouver de l’autre côté au Niger si les nouvelles autorités en font la demande.
Mais le coup de force a été vivement condamné par la communauté internationale et la CEDEAO engage une médiation pour le retour du président Bazoum au pouvoir.
Pour les multiples condamnations, c’est un rituel au niveau international. Mais la réalité en est autre chose. Déjà l’armée s’est ralliée au CNSP qui a déposé le président. Dans les rues de Niamey, on a assisté à des manifestations de soutien aux militaires. Tandis que le siège du PNDS, l’ex-parti au pouvoir- a été vandalisé, certains de ses militants violentés. Le président et son ministre de l’Intérieur sont toujours en détention.
Ces coups d’État à répétition résultent de la faillite de nos élites. Aucun régime n’est à l’abri d’un putsch pour des raisons que nous avons évoquées plus haut. En tout cas partout où l’on gouverne par la corruption, le vol des biens publics, le népotisme et l’injustice, il faut s’attendre à une prise du pouvoir par les armes. Il nous faut des institutions fortes, composées des personnes intègres et compétentes. Nous devons rompre avec la médiocrité en mettant en avant la méritocratie.
(Source : Mediaguinée)