« Mon frère aux dents qui brillent sous le compliment hypocrite. Mon frère aux lunettes d’or sur tes yeux rendus bleus par la parole du Maître. Mon pauvre frère, au smoking à revers de soie, piaillant et susurrant et plastronnant dans les salons de la condescendance. Tu nous fais pitié. Le soleil de ton pays n’est plus qu’une ombre (…) ».
Si on arrêtait là la lecture de ces magnifiques vers de David Diop, tirés de son poème « Le Renégat » (tiens tiens !), beaucoup d’hommes publics, politicards indécrottables, refréneraient leur envie compulsive de tenter de nous convaincre avec des mots creux, pour nous coller… une grosse baffe.
Eh oui, par ces temps qui courent, le jeu favori de certaines nos grosses huiles frelatées, bonnet de « chef » (il faut bien se donner de la consistance !) bien vissé sur la caboche, s’exprimant avec gestes grandiloquents, la voix empruntée pour coller à « l’accent parisien », est de ramer à contre courant de la tragi-comédie qui se déroule pourtant sous leurs yeux.
Il paraît que la démocratie permet de déblatérer toutes les fadaises imaginables, même les plus choquantes au moment où, quelque part à Hamdallaye Pharmacie, une pauvre grand-mère isolée pleure son petit fils, un gamin joyeux qui a eu la malchance de croiser une balle assassine…
Il paraît que ceux qui manœuvrent comme ça, croyant naïvement séduire du treillis, se regardent tellement le nombril qu’il leur arrive de perdre de vue une réalité humiliante à chaque fois qu’ils ont eu le « courage » d’affronter les urnes : très loin ils traînaient derrière leurs « concurrents » encombrants (bien placés aux première, deuxième et troisième places !), obligés de se contenter des miettes tombant de la table comme une aumône, ne leur donnant même pas droit au remboursement de la fameuse caution, parfois si difficilement rassemblée.
Comment, dans ces conditions, un chercheur de pouvoir (à tout prix !), magnifique loser, peut-il penser que ses compatriotes sont tellement amnésiques qu’ils passeront toutes ses sorties malheureuses en pertes et profits, en les choisissant eux qui ont saboté leur liberté au moment où ils en avaient le plus besoin, en étouffant leurs aspirations légitimes à participer pleinement à l’élaboration de leurs lois, en les empêchant de tracer eux-mêmes le chemin de leur vie ? Pour les beaux yeux d’un beau parleur ? Pour la langue mielleuse d’un pathétique politicien qui soutient à mots couverts (ou assumés, c’est selon) une dynamique martiale ? Comme le diraient les humoristes ivoiriens : on est où là ?
Un de nos confrères à l’analyse éclairée a évoqué la tentation, chez ceux qui n’ont absolument aucune chance de se faire élire dans une élection libre et transparente dans ce pays, impliquant tous les vrais acteurs politiques, d’emprunter « la courte échelle », comme on a pu le constater ces derniers mois, avec de simples quidams qui ont réussi, par un tour de passe-passe, avec des « CV bodybuildés », à troquer leurs tenues de débrouillards contre des costards de « hauts cadres » (en bois).
Vu sous cet angle, le rêve est permis mais dur dur pourrait être le réveil !
Oumar Camara