« Quand on perd le sens de l’orientation, il est important de savoir de quel côté se trouve le précipice. Avancer ne veut pas forcément dire progresser… », pourrait conseiller un bon stratège militaire.
Dans leur ambition affichée depuis quelques mois, les adeptes de la « refondation de l’Etat », probablement grisés par le flot d’approbations qui a suivi le putsch du 5 septembre 2021 (et qui s’est d’ailleurs tassé depuis), semblent avoir perdu le sens des réalités.
Comme sur un échiquier, ils ont voulu pousser leur avantage en imposant leur propre tempo à de « vieux » leaders politiques qui, il est vrai, avaient commis en amont l’imprudence d’applaudir une aventure en treillis, sans en connaître réellement les tenants et les aboutissants.
Ces leaders-là, obnubilés par les misères traversées sous l’ex président Alpha Condé, avaient non seulement oublié les sages conseils indiqués ci-haut, mais ils avaient cru, naïvement, que le pasteur Martin Niemöller (1892-1984) était un « marginal » qui se morfondait dans son coin, en pleine guerre mondiale, avec sa très célèbre tirade (1).
Niemöller mettait pourtant en garde contre les risques que tout individu ou organisation sociale encourt quand on se montre pleutre et sans esprit de solidarité, les injustices et la chape de plomb ne s’abattant pas seulement sur les autres…
Vouloir entretenir l’idée d’écarter de l’échiquier politique guinéen certains grands partis, même divisés par leurs intérêts divergents, accepter ou défendre ce fait risqué, pourrait sans doute permettre d’alimenter l’imagination fertile de certains alchimistes mais, à l’heure du bilan, il sera difficile de forcer un électorat fidèle à son leader, qui plus est très souvent pour des raisons subjectives – comme on le constate en Guinée -, à voter pour un éventuel candidat « imposé ».
Au demeurant, une telle vision biaisée de la réalité politique ne permet pas de se projeter sur le long terme, même si l’histoire récente prouve la capacité hallucinante de certains compatriotes à jeter leur veste pleine de cafards pour épouser l’air du temps.
On se souvient de cet homme politique qui s’est un jour rendu dans un bureau de vote avec épouses, enfants et chauffeur qui ont tous glissé leur bulletin dans l’urne. Le soir, le même homme politique, à l’heure du dépouillement des votes, s’est retrouvé avec une seule voix, la sienne…
Inutile d’imaginer l’ambiance aussi bien électrique que cocasse, à son retour dans la maison familiale, qu’il s’était pourtant efforcé de tenir bien au chaud, durant des années de dur labeur !
Plutôt que de tenter de jouer les prolongations, en se basant sur des chimères distribués comme des bonbons et une activité tous azimuts, sans objectif autre que de gagner du temps, le pragmatisme devrait commander de s’atteler à normaliser la situation par la restauration, par le vote, d’institutions légitimes acceptées de la majorité de la population.
Ce serait un inestimable gain de temps, en termes de capacité de réformes (y compris la nécessaire lutte contre la corruption), de négociations face aux partenaires étrangers, et surtout pour maintenir le mince filet d’espoir de populations de plus en plus désabusées.
Car, en définitive, avancer dans une logique de la gestion d’un quotidien pour laquelle on n’est nullement préparé n’est rien d’autre qu’un recul.
La rédaction
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(1) « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester »…