Dans le vaste théâtre de la transition guinéenne, la junte militaire au pouvoir semble adhérer à la formule du professeur Panglos, un personnage haut en couleur de Voltaire : « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ».
Mais derrière cette posture la population observe, non sans désillusion, la réalité amère qui se décline depuis un certain 5 septembre 2021.
Alors que des voix s’élèvent pour dénoncer le manque de visibilité du processus devant mettre un terme au pouvoir kaki, les autorités rétorquent avec assurance que tout se déroule à merveille. Comme dans « la meilleure des transitions possibles ». La Guinée serait au sommet de sa gloire, les Guinéens seraient plus heureux que jamais. Vraiment ? On se demande bien dans quel monde parallèle ils vivent. Peut-être la 4e dimension ?
Naturellement, au sein de la plèbe (l’écrasante majorité de la population), avec les conditions de vie infernales qui sont les siennes, l’on ne partage point ce constat tronqué.
Les gens rient plus jaune que le fanion du parti qui était au pouvoir, les difficultés du quotidien sont infernales et l’avenir radieux qu’on leur a promis semble bien loin. Que ce soit dans le secteur privé ou chez les fonctionnaires, la colère gronde, les lamentations se multiplient. Malheureusement, les murs du palais Mohammed V semblent plus que jamais étanches face à ces cris de désespoir.
Aujourd’hui, plus que jamais, nous sommes confrontés à un régime de faux-semblants, de non-dits, de réformettes cosmétiques, de démonstrations tape-à-l’œil, de contradictions et de clientélisme médiocre. La transition est devenue le lieu où les espoirs s’évanouissent, ainsi qu’un tremplin pour une nouvelle caste d’opportunistes, dont de nombreux golems que les flots de décrets n’arrêtent pas de charrier.
Un golem est une créature légendaire du folklore juif. Selon la tradition, c’est un humanoïde fait d’argile qui peut être animé grâce à des rituels. Transposé dans le cadre d’un État, c’est un décret qui lui donne vie.
Dans notre contexte, les golems de la transition sont donc des créatures toutes faites, apparues de nulle part grâce aux nombreux décrets du « seul maître à bord après Dieu ». Sachant qu’ils doivent tout à leur créateur et que la fin de la transition signifierait un retour vers le néant, ils excellent dans la flagornerie et la démagogie. De plus, propulsés à des fonctions importantes sans en acquérir les manières, la distinction et la classe, ils fanfaronnent à tout-va, se faisant remarquer plus qu’une mouche noire dans un bol de lait.
ll se pourrait que la junte militaire et ses coéquipiers aient adopté la méthode Coué, faute de pouvoir établir un bon diagnostic et d’appliquer les mesures adéquates pour répondre aux attentes des Guinéens. Cette méthode, développée par le psychologue et pharmacien français Émile Coué au début du 20e siècle, repose sur l’autosuggestion par la répétition de phrases positives afin d’influencer l’esprit subconscient et de favoriser le bien-être et la confiance en soi.
Pendant ce temps, le tableau est rouge de mécontentement et d’inquiétude.
Pendant ce temps les conditions de vie se dégradent, l’avenir semble de plus en plus sombre, et les promesses de la junte ne font plus recette. C’est peut-être le moment d’arrêter de se voiler la face et s’atteler à relever les défis. Les vrais. Parmi lesquels, baliser le chemin vers un retour, le plus rapidement possible, à un pouvoir civil élu devrait figurer en bonne place.
A. Top Sylla