Plus de 2.500 morts… Le bilan du violent séisme qui a frappé le Maroc continue de grimper ce lundi, alors qu’une course-contre-la-montre est toujours engagée pour trouver des survivants.
A 23 heures, vendredi soir, la terre a tremblé dans la province d’Al-Haouz, au sud-ouest de Marrakech, qu’il n’a pas épargné au passage. Ce séisme, de magnitude 7 sur l’échelle de Richter (qui va jusqu’à 9), est le plus meurtrier dans le royaume. Et il était difficile d’imaginer qu’il puisse survenir dans cette région du Haut Atlas, dont l’ « activité sismique est considérée comme modérée », indique Florent Brenguier, sismologue à l’Institut des Sciences de la Terre de l’Université de Grenoble.
C’est toute la question que pose ce séisme, y compris en France, où des régions ne sont pas à moindre risque sismique que cette chaîne de montagnes marocaine : « comment gère-t-on le risque dans une zone où il peut s’écouler plusieurs siècles avant qu’un tel séisme survienne ? », pose Florent Brenguier. Il répond à 20 Minutes.
A-t-on aujourd’hui toutes les données scientifiques pour comprendre ce séisme ?
On sait la magnitude, on a aussi situé l’épicentre. Mais sur ce genre de séisme, « épicentre » ne veut pas dire grand-chose. Cela donne l’idée que la roche a cassé en un point précis. Il s’agit bien plus d’une faille qui peut s’étendre jusqu’à 30 km. Parfois même, plusieurs failles sont impliquées. C’est ce qui nous reste encore à découvrir : le long de quelle faille exactement la roche a-t-elle cédé ? A quelle profondeur ? Probablement à 20 km. Comment s’est fait ce glissement ? Au regard des premières images, on estime qu’au maximum, au point de l’hypocentre, il aurait atteint entre 1 et 1,5 mètre. Autrement dit, un compartiment de la faille aurait glissé sur l’autre sur cette distance*.
Tous ces éléments doivent être précisés. Ce n’est qu’ainsi qu’on pourra comprendre exactement ce qui s’est passé, pourquoi le séisme a eu cette ampleur. Pour cela, il faudra se rendre sur place, une fois que l’urgence ne sera plus à porter secours aux victimes. En attendant, nous devrions voir tomber, dans les prochaines heures, des données satellitaires précieuses. Notamment celles des satellites Insar, capables de mesurer le déplacement du sol avant et après le séisme, et encore plus efficacement là où il y a peu de végétation, comme c’est le cas dans cette région du Haut Atlas.
Pourquoi un séisme de cette magnitude était difficilement imaginable dans cette région du Maroc ?
Le Maroc est exposé aux séismes, mais ils surviennent plutôt habituellement 500 km plus au nord, vers Gibraltar, dans une région frontière entre les plaques tectoniques africaine et européenne. On parle d’une bande de 50 à 100 km où l’activité sismique est soutenue, avec des mouvements d’un côté et de l’autre de cette frontière très rapides à l’échelle de la sismologie. De l’ordre de plusieurs millimètres par an.
Certes, le Haut Atlas n’est pas très loin de cette zone frontière. Mais l’activité sismique y est considérée jusque-là comme modérée, avec historiquement des séismes de magnitude 4, mais pas plus. Dans les environs, il y a tout de même eu le séisme de 1950, à Agadir – 50 km plus au sud- d’une magnitude de 5,7. Mais on est loin d’une magnitude 7. Le séisme de vendredi a pris les scientifiques de court par sa violence dans cette zone. Le dernier de cette ampleur sur cette faille remonte sans doute à plusieurs centaines d’années. Peut-être faut-il même parler en milliers d’années.
En métropole, on a jamais eu de séismes de magnitude 7. Le dernier gros séisme de notre Histoire est celui de Lambesc (Bouches-du-Rhone), en juin 1909. Il était de 6,2. Ce séisme au Maroc rebat un peu les cartes, y compris en France. Nous avons des régions à la sismicité comparable à cette région du Haut Atlas. Pas moins en tout cas. C’est le cas des Alpes, des Pyrénées également. On sait qu’il y a des failles, on a des traces en surface de séismes passés. On sait qu’on peut y connaître d’importants séismes, mais le temps de récurrence est très long. Il peut se passer plusieurs siècles, voire un millier d’années, avant qu’une telle catastrophe ne survienne.
Comment gère-t-on alors ce risque ? Quels moyens met-on en place pour se prémunir d’un risque qui a un temps de récurrence si grand mais qui, lorsqu’il survient, peut avoir des conséquences très lourdes ? Une certitude : on n’est pas beaucoup mieux préparés que la région du Haut Atlas. Nos centres historiques sont par exemple composés de vieilles constructions qui ne sont pas du tout adaptées aux normes parasismiques. C’est le cas par exemple à Grenoble, située dans un bassin sédimentaire qui amplifie les ondes. En cas de séismes majeurs, de magnitude 7 sur une faille proche de cette ville, les destructions seraient aussi probablement catastrophiques.
Si on revient au séisme de vendredi dans le Haut Atlas, la région est-elle encore sous la menace de répliques au séisme ?
Des répliques, non, plus maintenant. On entend par répliques des secousses liés au séisme principal. Leurs magnitudes, moins fortes, va en diminuant plus le temps passe. Et au bout de 48 heures, le risque de survenues devient faible.
En revanche, il est déjà arrivé qu’un séisme soit suivi dans la région d’un deuxième, sur une faille voisine, d’une magnitude similaire voire plus élevée. Ce fut le cas au Japon en 2016, par exemple. Il y a également des exemples très impressionnants en Turquie. Au Maroc, on ne peut pas encore exclure cette hypothèse, même si, là encore, plus le temps passe, plus le risque s’amenuise.
(Source : 20 Minutes)