Conakry, 26 mars 2025 – L’annonce est tombée comme un souffle après une longue asphyxie. Un décret présidentiel, enfin, vient d’acter l’indemnisation des victimes du massacre du 28 septembre 2009. Quinze ans d’attente, quinze ans de combat, quinze ans à espérer que la justice ne se résume pas qu’aux discours. L’émotion est palpable dans les rangs des rescapés et des familles endeuillées. Un soulagement ? Peut-être. Une réparation ? Pas vraiment.
Dans son bureau exigu, entre les portraits des disparus et les dossiers empilés comme des preuves vivantes d’un drame impardonnable, Asmaou Diallo, présidente de l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009 (AVIPA), esquisse un sourire prudent. La satisfaction est là, mais mesurée. « C’est une annonce qui soulage. Nous l’attendions depuis si longtemps. » Pourtant, derrière ses mots, une inquiétude subsiste. Celle d’un énième rendez-vous manqué avec la vérité.
Le combat n’est pas terminé. Il ne le sera probablement jamais. Car une signature sur un décret ne suffit pas à effacer la douleur. Il faut désormais veiller à l’application, au concret, à l’argent qui ne doit pas se perdre dans les méandres bureaucratiques. « Nous espérons que l’indemnisation ne traînera pas », martèle Asmaou Diallo. Elle sait que les promesses non tenues sont légion en Guinée.
Les chiffres sont là, froids et mécaniques : 1,5 milliard de francs guinéens par cas de viol, 1 milliard pour chaque décès ou disparition, 500 millions pour les pillages. Des sommes que les condamnés, y compris l’ancien chef de la junte Moussa Dadis Camara, auraient dû verser aux parties civiles. Mais l’argent guérit-il vraiment les plaies d’un passé aussi sanglant ? Peut-on mettre un prix sur l’horreur vécue ce jour de septembre 2009, dans un stade devenu tombeau ?
L’indemnisation n’est pas une fin en soi. Elle est un pas, un geste, une reconnaissance tardive d’un État qui, pendant trop longtemps, a fui son devoir. Mais elle ne suffit pas. Car la vraie réparation, celle qui aurait du sens, c’est que plus jamais un tel cauchemar ne se reproduise. Et ça, aucune somme d’argent ne peut l’assurer. Ce combat-là, les victimes le mènent encore. Et pour longtemps.
Alpha Amadou Diallo