En Guinée, la tragédie a pris un visage. Celui de Mahawa, six ans, violée et assassinée dans les toilettes de son école le 20 décembre dernier. Celui aussi d’Aïcha Bah, huit ans, victime du même sort un mois plus tôt. Deux vies volées, deux symboles d’une société qui laisse ses enfants à la merci de monstres sans visage. Ces drames résonnent comme un électrochoc dans un pays où la violence sexuelle est devenue une plaie ouverte, exposée chaque semaine dans la presse sans jamais trouver de pansement.
À Conakry, les organisations de défense des droits des femmes ont recensé 221 cas de viols sur mineures depuis janvier. Des chiffres glaçants qui n’ont pourtant pas suffi à éveiller une réponse à la hauteur. Les Nations unies elles-mêmes, dans un geste rare, ont exprimé leur indignation après le meurtre d’Aïcha, appelant à un « sursaut national ». Mais l’indignation ne suffit pas. Combien de temps encore allons-nous nous contenter de déclarations et de promesses creuses ?
Lors d’une conférence de presse tenue le 24 décembre à Conakry, Oumou Khairy Diallo, directrice exécutive du Club des jeunes filles leaders en Guinée, a été la voix de cette colère sourde qui gronde. Elle dénonce une insécurité qui gangrène l’espace scolaire, censé être un sanctuaire pour l’éducation et l’épanouissement. « Aujourd’hui, l’école devient un lieu dont les parents se méfient. Jusqu’à quand allons-nous tolérer cela ? » s’interroge-t-elle.
Les mots sont forts, mais les actions restent faibles. Où sont les sanctions exemplaires ? Où sont les mesures pour protéger les jeunes filles guinéennes, ces enfants qui, chaque jour, vivent dans la peur de sortir de chez elles ? Les dossiers sont « saisis », nous dit-on. Mais à quoi bon, si aucune lumière n’est faite sur ces crimes odieux ? Les victimes ne doivent plus être des chiffres anonymes dans une macabre comptabilité.
L’heure est venue de rompre ce cycle infernal. Il est temps d’adopter des politiques rigoureuses pour protéger les jeunes filles, à l’école comme ailleurs. Il faut que justice soit rendue, que les coupables soient punis avec la sévérité qu’imposent leurs actes. Ce combat, nous ne pouvons pas le mener seuls. L’État doit être à la hauteur de ses responsabilités, et chaque citoyen doit prendre part à ce « sursaut national » tant réclamé.
Mahawa et Aïcha ne reviendront pas. Mais pour leur mémoire, pour toutes celles qui souffrent en silence, il nous incombe de ne plus fermer les yeux. Jusqu’à quand tolérerons-nous l’insoutenable ? La réponse est entre nos mains.
Michel Guilavogui