La Coalition pour la Promotion des Langues Maternelles (CoLaM) a tenu une Assemblée Générale extraordinaire le 30 juillet 2023, suivie avec une attention particulière par les Guinéens, pour discuter de l’avant-projet de constitution en Guinée. La CoLaM félicite chaleureusement tous les acteurs impliqués à tous les niveaux dans l’élaboration de ce document.
L’exposé a révélé des innovations introduites par le Conseil National de Transition (CNT), l’organe législatif de la transition guinéenne. Parmi ces nouveautés figurent la création d’un Sénat, la possibilité de candidatures indépendantes à la présidentielle, et l’instauration d’une Haute Cour de Justice pour juger le président de la République et les hauts fonctionnaires de l’État.
Cependant, malgré les nombreuses démarches entreprises par la CoLaM auprès des conseillers du CNT et de la population guinéenne, nous déplorons l’absence de l’officialisation des langues maternelles guinéennes dans l’avant-projet constitutionnel. Pourtant, la refondation de l’État nécessite la décolonisation de l’esprit. Parmi nos actions, citons :
- La transmission d’une pétition signée par près de 13 000 personnes au Président du CNT le 15 février 2023.
- La production d’un rapport-diagnostic sur la politique linguistique du premier régime, à la demande du Président du CNT, montrant ses points forts et faibles. Ce rapport, remis officiellement le 23 mai 2023 lors du Débat d’Orientation Constitutionnel, révèle plus de points forts (économiques, culturels, scientifiques, pédagogiques, linguistiques et cognitifs) que de points faibles.
Nous exprimons notre profonde préoccupation face à l’absence de reconnaissance officielle des langues maternelles guinéennes dans l’avant-projet de constitution. Cette omission représente une occasion manquée de valoriser le riche patrimoine linguistique et culturel de notre nation.
La Guinée, pays multiculturel et multilingue, abrite des langues telles que le soussou, le poular, le malinké, le kissi, le loma et le kpèlè, qui jouent un rôle fondamental dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Ces langues sont non seulement des vecteurs de communication et de compréhension, mais aussi des réservoirs de connaissances traditionnelles, de valeurs culturelles et d’identités communautaires.
Nous estimons qu’une reconnaissance officielle de ces langues, aux côtés du français, permettrait de promouvoir l’unité nationale en respectant et valorisant notre diversité. Une telle mesure renforcerait l’accès à l’éducation, à la justice et aux services publics pour tous les Guinéens, en particulier dans les zones rurales où les langues locales prédominent.
En omettant d’intégrer les langues maternelles guinéennes dans le cadre officiel, l’avant-projet de constitution risque de perpétuer une marginalisation linguistique et culturelle, limitant l’accès de certains citoyens à des droits fondamentaux et réduisant leur participation active à la vie publique.
Le point 4 du préambule de l’avant-projet constitutionnel affirme le statut de langue officielle du français et l’engagement de l’État à garantir l’enseignement des langues nationales et la traduction des lois et des actes officiels dans ces langues. Cependant, cela a toujours été le cas dans les constitutions antérieures sans réel impact. Pour nous, enseigner par nos langues nationales est nettement différent de l’enseignement des langues nationales.
Nous appelons donc les autorités compétentes et les rédacteurs de l’avant-projet constitutionnel à reconsidérer cette question cruciale. Nous les encourageons à inclure la reconnaissance officielle des langues maternelles guinéennes dans la constitution, afin de bâtir une nation plus inclusive, juste et respectueuse de toutes ses composantes.
En termes d’amendement, nous proposons :
- Langues Officielles :
Le français est la langue officielle de la République de Guinée. En plus du français, les langues nationales suivantes : le soussou, le poular, le malinké, le kissi, le guerzé, le toma, etc., sont également reconnues comme langues officielles. L’État garantit leur promotion et leur utilisation dans les administrations publiques, l’éducation et les services publics.
- Langues Nationales :
Les langues nationales sont les langues maternelles des communautés guinéennes. Elles comprennent, sans s’y limiter, le soussou, le peul, le malinké, le kissi, le guerzé, le toma, et toute autre langue reflétant la diversité linguistique de la Guinée. L’État s’engage à promouvoir et protéger les langues nationales, en veillant à leur développement, leur enseignement et leur usage dans les domaines éducatif, culturel, social, administratif, judiciaire, etc.
Cet amendement vise à renforcer l’unité nationale tout en respectant et valorisant la diversité linguistique de la Guinée. En reconnaissant officiellement les langues nationales aux côtés du français, l’État guinéen fait un pas important vers une plus grande inclusion sociale, culturelle et linguistique. Cette démarche permettra également d’améliorer l’accès à l’éducation et aux services publics pour les populations rurales et urbaines, tout en préservant le riche patrimoine linguistique du pays.
Ensemble, faisons de la Guinée un exemple de diversité linguistique et culturelle, où chaque citoyen se sentira valorisé et représenté.
Alpha Amadou Diallo