Le mercredi 5 mars, devant la presse, le Premier ministre Bah Oury a osé poser une question qui aurait dû, depuis longtemps, provoquer l’indignation nationale : pourquoi la Guinée ne peut-elle pas accueillir ses propres matchs internationaux sur son sol ? La réponse est aussi simple qu’accablante : l’état désastreux de nos infrastructures sportives. Les stades du 28 septembre et de Nongo, pourtant essentiels à la vie sportive du pays, sont toujours en chantier, plombés par des retards, des financements lacunaires et une bureaucratie inefficace.
Un chantier qui s’éternise, des joueurs pénalisés
Bah Oury l’a souligné avec justesse : l’exil forcé de nos équipes nationales a un impact direct sur leurs performances. Privés de leur public, privés de leur terrain, nos joueurs évoluent à l’étranger comme des invités, et non comme des hôtes défendant leurs couleurs avec la ferveur que procure une pelouse nationale. Et pourtant, les promesses s’accumulent, les chiffres s’étalent sur des rapports, mais la pelouse, elle, reste en chantier.
Des chiffres alarmants, une volonté politique en question
Nos investigations révèlent une situation financière pour le moins inquiétante. Concernant le stade de Nongo, le contrat pour l’installation du gazon naturel a été ajusté à plus de 21 milliards de GNF, mais à peine 3 milliards ont été payés en 2024. Les travaux de génie civil ? Un gouffre de 1 130 milliards GNF dont l’essentiel du financement reste à trouver. Quant au stade du 28 septembre, son chantier de rénovation, estimé à 570 milliards GNF, n’a reçu aucun financement en 2023 ni en 2024. Il faudra attendre 2025, si tout va bien, pour espérer des paiements via les titres d’État.
Un Parlement qui prêche dans le désert
Face à cet immobilisme, le Conseil national de la transition (CNT) a tenté de tirer la sonnette d’alarme. Il rappelle que des infrastructures modernes sont cruciales non seulement pour le sport, mais aussi pour la souveraineté nationale. Pourtant, derrière ces déclarations solennelles, rien ne bouge concrètement. La seule solution envisagée reste l’émission de titres d’État, un mécanisme financier qui, bien que pertinent, risque d’enfoncer encore davantage le pays dans une spirale d’endettement si la gestion reste aussi chaotique.
Une présidence enfin mobilisée ?
Lueur d’espoir ou simple opération de communication ? La présidence a inscrit ces deux chantiers parmi ses priorités pour 2024, avec l’objectif affiché de livrer les infrastructures en 2025. Une visite sur site du conseiller présidentiel chargé des infrastructures et du ministre des Sports en janvier dernier laisse penser que le dossier est enfin pris au sérieux. Mais combien de visites, de courriers et de réunions faudra-t-il encore avant que les bulldozers ne cèdent la place aux footballeurs ?
Une urgence nationale
L’état actuel de nos infrastructures sportives est une insulte à notre passion du football et à nos ambitions continentales. Si l’État guinéen veut être pris au sérieux, il doit cesser d’empiler les chiffres et commencer à livrer des résultats. Les Guinéens méritent des stades dignes de ce nom. Ils méritent de voir leurs équipes jouer à domicile. Ils méritent une gouvernance qui transforme les promesses en réalité. Car à force d’attendre, c’est toute une nation qui finit par perdre foi en ses dirigeants.
Aziz Camara