Le 27 mars 2008, une longue maladie emportait Pathé Diallo, l’une des figures emblématiques de la presse sportive guinéenne. Ce jour-là, la Guinée perdait une voix, un passionné du cuir rond, un homme dont l’engagement pour le journalisme sportif et le football africain ne souffrait d’aucune contestation. Pourtant, comme c’est souvent le cas sous nos cieux, ce n’est qu’après sa disparition que les hommages se sont multipliés, que les éloges ont fusé, et que l’on s’est souvenu de ses immenses contributions.
Lors de ses obsèques nationales, organisées au palais des sports du stade du 28 septembre de Conakry, il a été magnifié, loué, exalté. Mais que valait tout cela pour lui, qui n’était déjà plus de ce monde ? Cette tendance à honorer les grands serviteurs de la nation une fois qu’ils ont rejoint l’au-delà est une tragédie bien ancrée dans nos pratiques. Pathé Diallo n’est pas un cas isolé. Nombreux sont ces Guinéens qui consacrent leur vie à leur pays sans jamais recevoir la moindre reconnaissance de leur vivant. Et quand leur heure sonne, c’est un festival d’hommages et de larmes hypocrites.
Pathé Diallo, avant d’être ce journaliste sportif célébré, avait eu un parcours exemplaire. Né le 27 juin 1934 à Mamou Kimbéli, il fit ses études à Mamou, Dalaba, Dabola et Conakry avant d’intégrer la première promotion de l’école de police de Kankan en 1959-1960. Sa formation s’affina à Prague, avant qu’il ne regagne la Guinée pour occuper plusieurs postes dans l’administration, notamment à la Sécurité d’État, au Crédit national et à la Police nationale.
Mais c’est sur le terrain du football que son nom restera gravé dans les mémoires. Joueur virevoltant du Racing Club de Conakry, il se fit remarquer par ses dribbles et son intelligence de jeu, au point d’être surnommé « Raymond Kopa ». Puis, un concours de circonstances l’amena à troquer son uniforme de policier contre un micro de reporter sportif, lorsqu’en 1968, un match tendu entre la Guinée et le Sénégal attira l’attention de feu Fodé Cissé, directeur de la Voix de la Révolution. C’est ainsi qu’il fit ses débuts aux côtés de Boubacar Kanté, avant de s’imposer comme l’un des plus grands commentateurs du continent. Sa voix cassée, ses analyses pointues et son amour indéfectible pour le football marquèrent des générations d’auditeurs.
Pathé Diallo, c’était aussi une vision et une influence continentale. Pendant 18 ans, il fut président de l’Union des Journalistes Sportifs Africains, apportant ainsi sa pierre à l’essor du journalisme sportif sur le continent. Il est également l’un des initiateurs du duo de commentateurs, une formule qui s’est imposée comme un standard sur toutes les radios africaines.
Et pourtant, malgré cette carrière exemplaire, la Guinée ne lui aura jamais rendu justice de son vivant. Il le confiait lui-même en octobre 2007 dans les colonnes du magazine Guinée Football : « J’ai promené ma bosse aux quatre coins de la planète. J’ai serré la main aux grands de ce monde, la Confédération africaine de football m’a distingué et honoré, mais mon pays ne m’a jamais reconnu un mérite. C’est bien dommage ! C’est mon plus grand regret ! » Un regret que la décoration posthume de 2009 n’effacera jamais. Car le respect et la reconnaissance ont de la valeur lorsqu’ils sont exprimés de son vivant.
Chaque année, à la date anniversaire de sa disparition, on se souvient de lui, on se remémore son talent, on prononce son nom avec nostalgie. Mais que reste-t-il de son héritage ? Dans une Guinée où les courtisans et les opportunistes s’accaparent les honneurs, les véritables bâtisseurs sont trop souvent relégués aux oubliettes. Jusqu’à quand allons-nous persister dans cette ingratitude ? Jusqu’à quand allons-nous attendre que nos figures emblématiques s’éteignent avant de les célébrer ?
Pathé Diallo n’est plus, mais son nom demeure. Que son souvenir soit un rappel constant de notre devoir de reconnaissance envers ceux qui, dans l’ombre ou sous les projecteurs, donnent leur vie pour leur pays. Dors en paix, doyen.
Thierno Saïdou Diakité, consultant sportif