Le capitaine Moussa Dadis Camara, qui était au pouvoir quand des bérets rouges et des gendarmes armés ont investi le mythique stade de Dixinn, le 28 septembre 2009, faisant au moins 157 morts, dont plusieurs par balles, et plus d’une centaine de femmes violées parmi les manifestants qui s’opposaient à son éventuelle candidature à la présidentielle à l’époque, a piqué une colère noire quand une procureure l’a qualifié de « dictateur » lors de sa comparution devant le tribunal criminel, ce lundi 19 décembre 2022.
Le président du Tribunal, Ibrahima Sory 2 Tounkara, a aussitôt recadré le parquet en l’invitant à ne pas utiliser des termes « péjoratifs ».
Les avocats de l’ex leader du Comité national pour la démocratie et le développement (CNDD) ont dû d’ailleurs demander une suspension d’audience qui a permis à leur client de revenir un peu plus calme plus tard.
Durant des heures, l’ex putschiste a tenté de nier toute responsabilité dans ces événements tragiques, même s’il a eu beaucoup de mal à répondre directement aux questions qui lui ont été posées.
Ce fut le cas par exemple quand l’un des procureurs lui a demandé s’il avait décrété une journée de deuil national, après la tragédie (décision que Dadis n’avait pas prise). Ce fut également le cas quand un des avocats de la partie civile lui a posé une question par rapport à ses propos affirmant que, compte tenu de la configuration des forces au camp Alpha Yaya Diallo, le commandant Aboubacar Diakité dit « Toumba » (son ex aide de camp) était dans l’impossibilité de perpétrer un coup d’état, alors que l’accusé Dadis veut en même temps convaincre le tribunal que son ex aide de camp était le commandait le régiment des bérets rouges, sans être en mesure de présenter un acte de nomination officiel…
Toumba avait pour sa part, témoigné qu’après l’arrestation du colonel Haïdor Bah (qui avait été nommé officiellement commandant du régiment) et son adjoint Saa Alphonse Touré, c’est Dadis lui-même qui a pris le commandement du régiment des bérets rouges, avec pour adjoint le général Konaté. Cette version est rejetée par Dadis.
L’ex putschiste est resté souvent évasif dans ses réponses, hésitant même un moment à dire si Toumba se trouvait à ses côtés dans la nuit du 22 décembre 2008, au moment de l’annonce de la mort de l’ex président Lansana Conté, avant de lancer un « non » du bout des lèvres.
Toutefois, comme Toumba l’avait affirmé dans sa déposition, Dadis reconnaît qu’il se trouvait « dans un motel » quand il a appris l’information sur la disparition de Conté. La différence entre les deux versions est l’auteur de l’information : Toumba affirme que c’est lui-même, informé par le commandant « Beugré », qui a réveillé et averti le capitaine. Ce dernier soutient que c’est feu le colonel Kéléti Faro qui l’a informé du décès…
Globalement, depuis plusieurs jours, Dadis a répondu aux questions du parquet, parfois calmement, parfois manifestant des pointes de colère mais celle de la journée du lundi a été particulièrement remarquée.
Le capitaine a rappelé à son compte le fait qu’il a reversé un montant de 22 millions de dollars USD (Ndlr : versés à l’époque par la Société aurifère de Guinée), pour convaincre de son souci de bien gérer les ressources publiques.
Soufflant le chaud et le froid, l’ex patron du CNDD a reconnu avoir qualifié les opposants à son régime « d’apatrides » et de « faux leaders », leur imputant à l’époque la responsabilité du massacre.
Au sujet du camp de Kaléah, pointé du doigt par les enquêteurs comme étant le lieu de provenance des jeunes recrues qui ont commis de nombreuses exactions au stade du 28 septembre, Dadis affirme toujours que c’est le général Sékouba Konaté qui a recruté ces élèves militaires, même s’il est établi que c’est le président de la transition – qui a remplacé Dadis entre décembre 2009 et décembre 2010 – qui a mis fin à la présence des nouvelles recrues à Kaléah et Kissidougou.
Dans une vidéo disponible sur le web, le général Konaté a affirmé que c’est le capitaine lui-même qui avait recruté 9000 hommes pour une formation à Kaleah et que les éléments les plus actifs dans le massacre et les viols étaient parmi ces recrues.
Aïssatou Walid Bah